Et si l’école du 21ème siècle était une école apprenante ?
Des écoles où le savoir se crée en plus de se transmettre…
Des écoles où tout le monde apprend : les enfants bien sûr mais également les enseignants, les chercheurs et les parents…
Des écoles encourageant la collaboration de manière concrète : tout le monde y travaillerait ensemble pour expérimenter de nouvelles façons d’apprendre et d’enseigner, de co-créer du savoir….
Des écoles innovantes formant les futurs citoyens de la société apprenante de demain (1): des enfants éveillés, curieux, tolérants, ouverts sur le monde, ayant pu aiguiser leur esprit critique, ayant pris connaissance des défis à venir, ayant développé une conscience écologique, ayant eu la possibilité de créer, d’expérimenter et d’entreprendre et dont la confiance en soi aurait été renforcée.
Voici ce qui est proposé dans le concept des lab schools, que je traduis au Québec par « écoles apprenantes » (2). Ce qui est paradoxal, c’est que ce type d’école « moderne » qui me semble si adapté à la société d’aujourd’hui et si nécessaire pour aller vers la société demain, a été créé il y a plus d’un siècle.
Qu’est-ce qu’une lab school ou école apprenante?
Les lab schools sont des écoles primaires (le plus souvent) qui ont trois vocations principales :
- Éduquer, en proposant des pédagogies innovantes basées sur les dernières recherches en sciences cognitives, neurosciences, sciences de l’éducation, psychologie, etc.
- Ces écoles servent également de lieu d’expérimentation pour les chercheurs et les enseignants. Des études scientifiques y sont régulièrement menées avec l’accord des enfants et de leurs parents. On y étudie l’impact de certaines approches pédagogiques afin de déterminer les conditions optimales pour leur mise en oeuvre efficace. Ce type de recherche intégrée à la pratique enseignante permet d’éviter de prescrire une solution « miracle » qui fonctionnerait pour tous. Elle vise bien au contraire à proposer un éventail de possibilités que les enseignants pourront adapter en fonction de leur réalité.
- Il s’agit enfin de lieux de formation pour les futurs enseignants et pour les enseignants qui ont déjà des classes et qui veulent faire de la formation continue. Les formations se font lors de stages d’immersion, d’observation ou d’ateliers thématiques.
Dans la majorité des cas, ces écoles sont affiliées à une université. Mais depuis quelques années, on voit apparaitre des écoles indépendantes.
À NE PAS CONFONDRE AVEC LE LAB-ÉCOLE
Vous l’aurez sans doute compris, ce dont je parle ici n’a aucun rapport avec le projet de Lab-école de Ricardo Larrivée, Pierre Lavoie et Pierre Thibault. Ceux-ci ont lancé trois chantiers visant à moderniser les infrastructures, et améliorer l’alimentation offerte dans les écoles mais ils ne s’intéressent pas du tout à la « rénovation » de la pédagogie et n’ont aucun lien avec la recherche en éducation.
Un modèle créé il y a plus d’un siècle pour révolutionner l’école
Fidèle à la philosophie de l’éducation nouvelle, les lab schools mettent l‘enfant au coeur du système éducatif. On y propose des méthodes et des stratégies éducatives diversifiées. L’enseignement peut donc être adapté à chaque enfant, dont l’unicité est respectée. Ce sont des lieux de vie, où le rythme de chaque enfant est respecté. Fonder une lab school permet d’une part de créer un lieu qui va tout de suite « aider» les enfants qui vont le fréquenter ; et d’autre part de dialoguer avec le système en documentant ce qui s’y fait, en apportant des données scientifiques qui permettent de discuter avec les décideurs et surtout d’informer la population des innovations possibles.
Cette idée de révolutionner l’école grâce aux labs schools n’est pas nouvelle et était notamment celle de John Dewey qui a fondé une des premières et des plus influentes lab school à Chicago en 1894, dans une philosophie d’éducation progressiste. Son programme ne reposait non pas sur les livres et les récitations mais était centré sur les enfants à l’aide d’activités guidées par leurs intérêts. Il s’agissait du « learning by doing« , « apprendre en faisant ». Les enfants apprenaient en se heurtant à des problèmes pratiques , de la vraie vie QUI FAISAIENT DU SENS POUR EUX qu’ils rencontraient lors d’activités de loisirs (telles que ébénisterie, jardinage, couture, cuisine, etc).
Les lab schools sont aujourd’hui des lieux où l’on peu tester, de manière structurée, des innovations pédagogiques et ainsi répondre à de nombreuses questions laissées en suspens par les études effectuées en laboratoire. Elles permettent ainsi de confronter les théories à la réalité du terrain. Les enseignants peuvent prendre une part active tant dans la définition des questions de recherche que dans leur mise en oeuvre. Ainsi, les lab schools sont des outils essentiels à la transition éducative vers une « nouvelle école » bienveillante et innovante qui respecterait la nature de l’enfant et abandonnerait les méthodes pédagogiques artificielles, dogmatiques et non fondées sur les preuves.
Afin de faciliter cette transition, les lab schools, en plus de réaliser des publications scientifiques, mènent beaucoup d’actions de communication (vidéos, articles de blog, conférences, etc) visant à informer le grand public de ce qui se passe dans ces écoles. Un de leurs objectifs est la dissémination, dans le réseau scolaire régulier, des innovations et des résultats de la recherche.
Quelques exemples de labs schools
Il existerait aujourd’hui plus d’une centaine de lab schools dans le monde, mais il n’y en a aucune au Québec à ce jour (3). La majorité de ces écoles sont situées en Amérique du Nord (on y trouve par exemple les très inspirantes UCLA lab school ; et Khan lab school ). Au Canada, c’est principalement en Ontario que l’on trouve les labs schools. Il en existe au moins 3 à Toronto, dont la lab school du Jackman Institute of Child study qui est une des plus anciennes. Pour en apprendre davantage sur cette école et les labs schools en général, je vous invite à visionner le film documentaire The possible school.
Les valeurs promues par les trois écoles citées ici ont inspiré, entre autres, la création de la Lab School Paris qui a ouvert en septembre 2017, à Paris.
Un modèle très inspirant : la Lab School Paris
La lab School Paris est un projet porté par Pascale Haag, enseignante, chercheuse en sciences sociales et en psychologie. Voyant que la mise en place d’un partenariat avec une université ou l’Éducation Nationale allait considérablement retarder le projet, les fondateurs de l’école ont décidé de partir sur un projet-pilote en créant une école privée indépendante. Au lieu d’être affiliée à un établissement d’enseignement, l’école est reliée à un réseau de chercheurs et d’enseignants: le Lab school Network.
Je trouve cette démarche pro-active et novatrice vraiment très inspirante. C’est un modèle que j’aimerais importé ici au Québec et je tenais donc à vous présenter cette école plus en détails.
L’école accueille pour l’instant 30 enfants de la 2ème à 4ème année, mais des places vont être progressivement ouvertes pour les autres niveaux jusqu’à la 6ème année. Elle est le fruit de deux ans de travail de co-création en partenariat des enseignants, des artistes, des créateurs ainsi que des chercheurs, au sein du Lab school Network.
Dans cette école, ouverte sur le monde, les enfants sont en contact avec des chercheurs, des artistes, des professionnels et des entrepreneurs de différents horizons. Ils échangent régulièrement par visio-conférence avec d’autres lab schools dans le monde.
C’est une école bilingue (français- anglais) qui a à cœur de garantir une grande mixité sociale et culturelle grâce à des bourses financées par des fondations ou du socio-financement.
Le bien-être de tous (enfants et enseignants) est valorisé avec une emphase sur le développement des compétences socio-émotionnelles (soft skills). Ce concept, dont l’importance est grandissante tant à l’école que dans notre société, englobe notamment la confiance en soi, la créativité, la motivation, l’empathie, etc. Différentes techniques de régulation émotionnelle (yoga, méditation, etc.) y sont proposées ainsi que des ateliers sur les émotions inspirés de la communication non-violente. La bienveillance y est à la base de toutes les approches pédagogiques. Le but est que les enfants retrouvent confiance en eux, prennent du plaisir à aller à l’école et s’y sentent en sécurité.
Pour ceux intéressés à en apprendre davantage sur cette école innovante, vous pouvez visionner ce petit film :
De mon coté, j’ai à coeur d’importer ce modèle au Québec, mais je vous en reparlerai plus tard ….
Est-ce que, comme moi, ce type d’école vous inspire ?
N’hésitez pas à partager vos impressions sur le sujet et vos aspirations !
Notes :
(1) Pour plus de détails sur le concept de « société apprenante » proposé par le très inspirant François Taddei, je vous conseille de lire cet article et le rapport qui y est cité.
(2) Dans la suite du texte, j’utiliserai le terme « lab school » pour les écoles déjà existantes afin de respecter le modèle auquel elles s’identifient. Comme dans le contexte québécois, le terme « lab school » peut difficilement être traduit par « Écoles laboratoires », et que le concept n’y est pas encore développé, j’utiliserai le terme « école apprenante » pour désigner les écoles de ce type pouvant être fondées au Québec.
(3) Un premier pas semble avoir été fait car une « école universitaire au primaire » a ouvert en septembre dernier 2017 à Terrebonne. Elle vise à appliquer certaines pédagogies innovantes validées par la recherche et à favoriser le dialogue avec la recherche universitaire en éducation.
Bravo Céline! Flo m’a transféré ton email. C’est super intéressant.
Merci de m’ajouter dans ta mailing list.
Bisous à toute la famille
Carine
Merci beaucoup Carine. Je t’ai ajouté ! Bisous à vous !!
Hello !
Très intéressant! Encore beaucoup de chemin avant que le dinosaure de l’éducation nationale Française ne s’adapte à ces nouvelles façons d’apprendre (manger mieux c’est bien, penser mieux c’est encore plus nourrissant je trouve!).
Est-ce que tu as eu l’occasion de visiter par toi-même l’une de ces lab-school ? si oui quel est ton sentiment sur l’impact de ces nouvelles méthodes sur les enfants ?
Très sincèrement, ma crainte réside surtout sur les « enfants cobayes » de ces écoles qui se cherchent encore et qui, pour le bien de la cause j’en conviens, risquent d’être déstabilisés quand il y aura retour au crétacé (au rythme classique j’entends 🙂
En tous cas tous mes vœux de réussite dans ton projet et tiens nous au courant!
Biz
Je ne les ai pas encore visitées mais c’est en projet et je suis en contact avec la créatrice de la Lab school Paris. Ces écoles sont en fait de « vraies » écoles dans lesquelles l’équipe pédagogique est très motivée à innover en collaboration avec des chercheurs. Donc les enfants y reçoivent une scolarité « normale » dans le sens où la recherche menée n’a pas (ou très peu) d’impact sur leur quotidien. Il faut voir ça plutôt comme des lieux où les équipes sont très impliquées, motivées à se poser des questions, résoudre les problèmes, innover etc. En fait, tous les enseignants gagneraient à se mettre dans la position d’enseignant-chercheur qui observent leur classe, leur pratique et qui essaient de nouvelles choses pour améliorer l’expérience éducative. En Finlande, toutes les écoles sont des labs schools et cela se passe très bien. Il n’y a donc pas de notion de cobaye, seulement d’enfants chanceux qui profitent de supères conditions pour apprendre et qu’on essaie de généraliser (en montrant les effets positifs grâce à la recherche). La question du retour à la scolarité « normale » ne se pose que pour les enfants qui changent d’école en cours de cursus et elle reste la même pour toutes les écoles alternatives axées sur le bien-être et l’autonomie. Les enfants acquièrent de solides compétences socio-affectives, ont plus confiance en eux, ont réussi à cultiver leur curiosité et leur enthousiasme et s’adaptent généralement très bien aux autres milieux. Enfin, l’Éducation Nationnale n’est pas si fermée que cela puisque l’Académie de Dijon est en train de déployer de multiples labs schools (collèges et lycées principalement) pour devenir une Académie apprenante… Alors ça va dans la bonne direction. Les choses changent à toute vitesse !!
Ce concept est à rapprocher du concept d’école pilote souvent des collèges ou des lycées.
Le principe général est simple et pratiqué massivement depuis des décennies, mener une expérimentation sur un établissement pour envisager la pertinence et la faisabilité de sa généralisation à l’ensemble des établissements.
L’idée à toujours été inspirante mais dans les faits, beaucoup d’initiatives sont abandonnées pour des raisons budgétaires de déploiement à tous les établissements.
Et ce même avec des évaluations très positives sur l’établissement pilote.
Je suis perplexe sur cette approche, difficile de reproduire l’expérience sur tous les établissements souvent car on a donner trop de marge de manœuvre à l’expérience.
Et si on limite cette marge de manœuvre, les évaluations ne seront plus aussi positives.
En effet, de nombreuses innovations restent à l’échelle d’une classe souvent faute de moyens pour diffuser les résultats et encourager les collègues à s’approprier ces innovations. Je pense que le déploiement de ces innovations nécessitent un accompagnement. Ainsi la création des réseaux d’éducateurs innovants permettrait aux éducateurs motivés de s’entraider dans la mise en place de ces nouveaux outils ou stratégies éducatives. Il est en effet peu probable qu’une innovation « réussie » dans un contexte puisse être transposée telle quelle dans d’autres contextes. La phase d’appropriation et d’expérimentation est très importante. Et c’est cette démarche de co-création d’innovations que ces écoles apprenantes soutiennent.